Graphistes et designers ont rencontré fin juillet la secrétaire d'Etat au Numérique. A l'ordre du jour, le perverted crowdsourcing, une pratique qu'ils jugent déloyale et dont, pourtant, Axelle Lemaire a fait l'éloge en visitant les locaux de Créads, une plateforme de collaboration pour graphistes.
Après les nombreuses réactions suite à la visite d’Axelle Lemaire des locaux de Créads, la secrétaire d’Etat au Numérique a rencontré des graphistes et des designers. Autour de la table, on trouvait des représentants de l’Alliance Française des Designers, quelques entreprises de design et des artistes indépendants. De nombreux comptes-rendus complets de cette réunion ont été publiés par les participants, sur les sites de Kob One ou encore de Les Graphisteries.
Première observation de Axelle Lemaire, et hors de l’ordre du jour, c’est l’absence d’un interlocuteur représentant l’ensemble de la profession. L’AFD ne rassemble qu’un petit nombre de designers et il n’existe aucun syndicat représentatif de la profession. La secrétaire d’Etat a d’ailleurs précisé qu’il a « été difficile » à son équipe « d’identifier sur internet et d’adresser leurs invitations » aux graphistes présents. Le manque de structure de ce secteur est un point à corriger. Ce fut d’ailleurs l’occasion pour plusieurs participants de régler leurs comptes entre eux, et surtout avec l’AFD, dans laquelle certains ne se retrouvent pas, pour reprendre les termes de Sébastien Drouin, d’Aether Concept.
Sur le fond du problème, une réponse juridique aux systèmes pervertis de crowdsourcing ne peut être envisagée que si « le mouvement se structure ». « A nous de faire le nécessaire », commente Philippe Gelas. Sur le travail dissimulé, Axelle Lemaire a insisté sur le fait que ces sociétés ne pouvaient être incriminées puisque « il n’y a pas de lien de subordination puisqu’il n’y a pas non plus paiement et que le dit lien n’est pas permanent », rapporte Sébastien Drouin. Qui plus est, ces plateformes auraient l’avantage « de donner de la visibilité aux jeunes créatifs ».
Travail dissimulé
Un argument vite balayé par les graphistes présents. En effet, sous prétexte de permettre aux nouveaux entrants (jeunes, étudiants, autodidactes) de se faire un nom, ces entreprises de crowdsourcing exploite les créatifs à des fins commerciales. Cette problématique ne concerne pas uniquement le domaine du design : le journalisme (via les contributions bénévoles et les « fondations ») ou encore la recherche (en sciences sociales principalement) sont également touchés par ce phénomène.
Axelle Lemaire a également insisté sur la nécessité d’une perspective internationale. Faire reconnaître le crowdsourcing comme un travail dissimulé ou une concurrence déloyale serait « nuisible pour le développement du design en France face à la scène internationale ». En effet, les entreprises étrangères « pourraient ne plus êtres intéressées par la France en matière de design ». Ce à quoi répondent les designers : « Nous ne serions pas pénalisés par l’absence d’entreprises de crowdsourcing en France, celles-ci ne payant déjà pas leurs participants. Énormément de graphistes touchent des entreprises locales en direct qui ne vont pas à l’étranger pour chercher un prestataire »
La qualité mise en avant…
Ce qui apparaît alors comme la meilleure solution pour lutter contre ces plateformes est la mise en avant de la qualité. Les graphistes passant par ces sites collaboratifs ne rencontrent pas le client, ils n’ont pas d’informations sinon un cahier des charges. Ainsi, la qualité serait moindre que celle des travaux fournis par des professionnels rémunérés et travaillant pour un compte en particulier. Sébastien Drouin explique qu'« axer sur la qualité, en faire la promotion et la mettre en avant dans l’importance d’une bonne communication, c’est indirectement nuire aux entreprises de crowdsourcing ».
Conclusion de ces 2h30 de réunion : des graphistes rencontreront en septembre la Direction des Affaires Juridiques afin de traiter du sujet d’un point de vue réellement juridique, tandis que d’autres seront amenés à travailler avec le ministère de la Culture, qui veut mettre au point une charte des bonnes pratiques sur les métiers du design. Enfin, le gouvernement va créer des plateformes mettant en contact les designers et les PME.
En d’autres termes, cette rencontre n’a pas permis d’avancer sur le sujet du « perverted crowdsourcing »… A peine a-t-elle défini les bases de ces bonnes pratiques, mais, comme le note Geoffrey Dorne, « ça semble ne pas être suffisant ».