Enfin le jeu vidéo a sa Légion d’Honneur. La prestigieuse décoration a été remise à David De Gruttola, plus connu sous le nom de Cage. David Cage… L’occasion de revenir sur ses 17 années à la tête de Quantic Dream.
Le français David Cage est une personnalité controversée du jeu vidéo. Adoré par certains, conspué par d’autres, sa volonté a toujours été de lier le jeu vidéo et le cinéma. Ses jeux se caractérisent par une scénarisation poussée et un game design qui les rapproche du film interactif.
Sa première réalisation, Omikron : The Nomad Soul, sortie en 1999, se place clairement dans cette démarche. La vision à la troisième personne, plus cinématographique, est d’ores et déjà privilégiée par Cage, avec plusieurs changements de points de vue selon la situation : à l’épaule lors des combats au corps à corps, subjective pour les échanges de tir.

Le scénario est quant à lui relativement immersif, puisque le joueur et le personnage ne font qu’un : ils ignorent tout de leur environnement et le découvrent en même temps. Enfin, un système de « transfert d’âme » permet au joueur d’incarner d’autres personnages, ce qui ajoute du contexte à l’histoire.
Omikron a rencontré un grand succès à sa sortie. Avec 600 000 exemplaires vendus, une suite fût dans un premier temps envisagée. Mais finalement, c’est Fahrenheit qui sort 6 ans plus tard.

Le nouveau jeu de David Cage innove par sa mise en scène soignée : cadrages, scènes d’action, écrans « splités » (découpés de sorte à suivre plusieurs personnages à la fois). L’action elle-même évolue selon le point de vue de trois personnages différents, incarnés tour à tour par le joueur. Leurs actes conjugués (et parfois opposés) détermineront la résolution de l’affaire.

Il faut également compter sur de nombreuses références cinématographiques, du Silence des Agneaux à 24 heures Chrono en passant par Matrix et les films de Hitchcock. Ultime clin d’œil de Cage au cinéma, un plateau de tournage sert de décor au didacticiel.
La troisième œuvre du studio Quantic Dream fut le très célèbre Heavy Rain. Dans ce thriller interactif, le joueur est amené à effectuer des choix qui ont une influence directe sur le scénario (18 fins différentes).

Le jeu est d’ailleurs découpé en scènes dans lesquels quatre protagonistes évoluent. Là encore, mise en scène très cinématographique avec l’utilisation massive de QTE (Quick Time Event) qui permettent au joueur d’interagir avec son environnement. On y jouera des interrogatoires, des courses-poursuites mais aussi des scènes de la vie quotidienne. Mais tout ceci n’est qu’un prélude au chef d’œuvre de David Cage.

En 2013 sort en grande pompe Beyond : Two Souls. Les personnages : des acteurs, filmés en motion capture. Et non des moindres… Ellen Page et Willem Dafoe en personne prêtent leurs traits aux protagonistes.

Et on se croit au cinéma : une narration non linéaire retrace la vie de Jodie (incarnée par Ellen Page) à différents moments-clés de sa vie, des cadres dignes d’un film d’action permettent de la suivre et une bande originale zimmerienne (de Hans Zimmer, célèbre compositeur de musique de films) renforce enfin l’immersion.

David Cage a-t-il révolutionné le jeu vidéo ? Nous ne sommes pas là pour juger s’il mérite ou non sa Légion d’Honneur. Il est certain qu’il laissera une empreinte durable dans le monde du jeu vidéo. Avec quatre jeux en 17 ans, Quantic Dream n’est pas le studio le plus prolifique au monde, mais son approche du jeu vidéo, étroitement associée aux codes du cinéma, a su marquer les esprits. Enfin, cette distinction n’est pas celle d’un homme ou d’une entreprise, mais celle de tout un domaine. Le jeu vidéo acquiert par là ses lettres de noblesse et sa reconnaissance en tant que produit culturel légitime.