Le festival Scopitone à Nantes rassemble depuis 2002 bon nombre d’amateurs de musique électronique, venus se déhancher au son des DJ. Mais Scopitone n’est pas un simple festival musical : c’est aussi un haut lieu d’exposition pour des installations d’arts numériques. Le thème de cette année était la robotique, et nous sommes allés voir ce que la programmation du festival avait préparé pour les amateurs d’art et de nouvelles technologies.
Si en soirée, Scopitone est avant tout un festival musical, les journées à Nantes ne sont pas uniquement dédiées à tenter d’oublier les excès de la veille. Pour les plus courageux (ou les plus raisonnables), ce festival Nantais offre chaque année un parcours à travers la ville pour découvrir une dizaine d’installations d’art numérique, allant de performances de video-mapping à la sculpture animée. Il faut marcher certes, les exposants étant repartis entre 5 différents lieux du centre ville, mais la balade vaut la peine. Des artistes venus de plusieurs pays ont ainsi posés leurs valises et leurs œuvres à Nantes, le temps du festival, et offraient au public un rapide aperçu de leurs travaux en terme de design interactif et d’art numérique.

Signal to noise est autant une oeuvre d'art qu'un défi technique pour les membres du collectif Lab(au)
Lab(au) est un collectif belge habitué du festival qui présente cette année une œuvre un peu particulière, Signal to Noise. Au premier abord, on est un peu désarçonné par l’apparence de l’installation : un simple cercle composé de milliers de diodes électriques, le tout faisant un bruit d’enfer sans qu’on ne sache vraiment pourquoi. Il faut rentrer au milieu du cercle pour comprendre la démarche : Signal to Noise est composé de 512 panneaux d’affichages à lettres, tels qu’on peut les voir sur les panneaux indiquant les trains en gare. Et tous défilent à l’infini, entourant le spectateur d’une avalanche de lettres changeant en permanence, le tout dans un cliquetis infernal. Une réflexion sur la nature de l’information, dans une société qui peine de plus en plus à différencier le signal, porteur de sens, du bruit qui l’entoure.
Mais Signal to Noise a également été un véritable défi technique pour les membres de lab(au) explique Els Vermang, membre du collectif « les 512 panneaux d’affichages ont été récupérés dans un stock de la garde de Bruges, et ils étaient largement corrodés et dans un sale état. On a donc du tout nettoyer et réparer à la main. Ensuite s’est posé le problème du contrôle de ces afficheurs, étant donné qu’ils remontent aux années 50 et utilisent un système de contrôle analogique. On a donc réalisé 512 cartes de contrôle sur mesure afin de pouvoir contrôler tout ça via l’ordinateur »
Le Lotus Dome, une sculpture quasi vivante

Le Lotus Dome, une imposante sculpture réagissant à la chaleur.
Niché dans la tour du château, le Lotus Dome du néerlandais Dan Roosegaarde a également de quoi surprendre les visiteurs. Cette énorme sphère métallique, dont la surface est couverte de fleurs réalisées en aluminium semble suivre le mouvement des spectateurs, la lampe située au milieu réagit aux déplacements du public et les suit, comme si la structure vous observait elle aussi. Mais l’intérêt n’est pas là : sous l’effet de la chaleur générée par la lampe ou par la chaleur humaine, les fleurs d’aluminium se replient et réagissent, donnant à Lotus Dome l’apparence d’une créature vivante. Expert dans la recherche sur les tissus et textiles intelligent, Dan Roosegaarde présente ici une idée simple (Les fleurs d’aluminium sont simplement doublées d’une membrane en plastique thermo-réactif) mais dont l’effet visuel est impressionnant.

Autre installation à l’aspect spectaculaire : Cycloid-E de Codact. Une structure mobile composée de plusieurs cylindres montés sur un moteur, et dont les mouvements se veulent une représentation du chaos. L’idée ici, c’est que seul le premier cylindre seul est connecté au moteur, les 5 autres éléments sont laissés libres de leurs mouvements et se déplacent selon plusieurs jeux de forces et d’inertie. Et les créateurs, André et Michel Décosterd, sont bien incapables de deviner à l’avance la façon dont va bouger leur installation « On a programmé un certains nombre de mouvements du moteur, qui fait tourner le premier cylindre par à-coup successifs. Mais on est incapable de savoir comment le reste de la structure va bouger, et c’était bien cet aspect-là qui nous a intéressé ».

Cycloid-E est une installation ayant pour but d'illustrer le concept du chaos, imprévisible par nature.
Outre l’aspect visuel, les artistes ont également développé un environnement sonore, à base d’échantillons de divers instruments, basés la aussi sur les mouvements de la machine « A chaque partie de la structure est fixé un capteur qui mesure la vitesse. Et chaque cylindre possède un son propre, qui est restitué à des fréquences différentes en fonction du mouvement du tube. » Le tout donne un étrange ballet, que les créateurs ont programmé sur une dizaine d’heures mais dont ils ne maîtrisent pas vraiment le résultat. Les mouvements de Cycloid-E paraissent tirés d’un film de science fiction, tant la sculpture se déplace avec grâce et aisance.

Firewall n'est pas une simple installation de video mapping, l'interaction du visiteur avec le tissu fera varier les phrases musicales.
Les installations présentées étant principalement basées sur le mouvement, nous avons réalisé une courte vidéo permettant de comprendre un peu mieux la façon dont les machines fonctionnent.
Au delà de la robotique
Mais en déambulant dans les divers lieux d’exposition, on peut également trouver d’autres œuvres tout aussi marquantes. On citera ainsi Firewall, un dispositif simple composé d’un simple drap tendu devant un projecteur et une caméra Kinect qui détecte le mouvement des spectateurs sur le tissu et change la projection en conséquence et génère une phrase musicale au piano, donnant l’impression de jouer d’un instrument de musique futuriste. Créée par Aaron Sherwood, cette œuvre a nécessité la mise en place d’une application spécifique, réalisée à l’aide de Cinder, une librairie open source dédiée au code créatif en C++.
On peut également decouvrir Lightform, du Suisse Mathieu Rivier, installation de vidéo mapping également interactive, qui là aussi repose sur l’utilisation d’un simple webcam infrarouge et d’un projecteur, mais qui fonctionne avec une application développée en OpenFramework doublée du logiciel MadMapper, un soft très utilisé dans le monde du vidéo mapping.
L’édition de cette année était consacrée à la robotique et pouvait notamment s’enorgueillir d’artistes très en vue dans ces domaines, tels que le japonais Daito Manabe qui a pu présenter son installation Eleven Play : Pulse lors de la soirée d’ouverture. Mais Scopitone est avant tout une vitrine pour les activités de Stereolux, une structure qui, toute l’année, organise des workshops et conférences à Nantes autour de l’art numérique.