Cette semaine à Washington avait lieu le 4ème sommet mondial des créateurs, organisé par la Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs. Le thème était le numérique et les questions qu’Internet pose vis-à-vis du droit d’auteur. Nous avons interviewé Hervé Di Rosa, l’ex-président de la CISAC, qui vient de passer le relais à Jean-Michel Jarre.
Hervé Di Rosa, président du Conseil International des Créateurs des Arts Graphiques Plastiques et Photographiques, a également dirigé la Cisac avant de passer la main à Jean-Michel Jarre.
CréaNUm : Qu’est-ce que le sommet mondial des créateurs et à qui s’adresse-t-il ?
Hervé di Rosa : C’est un sommet mondial rassemblant les professionnels de la création, des éditeurs, des sociétés de défense des droits d’auteurs et des créateurs pour faire le point sur les avancées du droit d’auteur. Cela permet avant tout de faire le point sur les droits des créateurs à un niveau mondial. Et c’est un bon moyen de sortir un peu de nos secteurs et de considérer la défense du droit d’auteur d’un point de vue global et pas régional.
Le sommet de cette année est consacré au numérique et aux changements que cela implique pour les créateurs : quels sont les nouveaux enjeux en terme de droit d’auteur ?
Bien évidemment, il y a le piratage. Mais on se place à une plus grande échelle dans notre lutte face à cela. Il y a des continents entiers qui n’ont tout simplement pas les moyens d’accéder à une offre légale, et qui se rabattent sur le piratage pour accéder à la culture. Mais il n’y a pas que ça. Nous défendons trois points en particulier : la juste rémunération des artistes, la défense de l’exception culturelle et la diversité. Un des grands risques d’Internet, c’est l’uniformisation de la culture, on manque d’accès aux productions qui ne sortent pas des grandes maisons de distributions.
L’offre légale justement, pensez-vous que celle-ci soit suffisante pour constituer une véritable alternative valable au piratage ?
Effectivement, on doit bien reconnaître qu’il y a un manque de ce côté-là, et que cela peut paraître souvent plus facile de pirater. Le fait est qu’il y a beaucoup de contingences légales qui retardent la mise en place d’une offre légale de qualité. C’est l’un des principaux axes de notre lobbying auprès des différents gouvernements, mais cela prend du temps. On commence à peine à voir émerger des accords avec des acteurs comme Deezer ou Google, mais cela a pris une dizaine d’années pour les mettre en place. Si on veut que cela s’accélère, il faut que les gouvernements légifèrent sur le droit d’auteur.
En France, le rapport Lescure est venu préparer la feuille de route du gouvernement dans ce domaine, quelle est la position de la CISAC à ce sujet ?
La position de la CISAC est encore un peu difficile à définir clairement, on rassemble beaucoup d’organisations différentes et toutes ne sont pas en accord sur la question. Je vois quand même de très bonnes choses dans ce rapport, notamment le fait qu’il est inutile de s’attaquer au particulier qui pirate, mais que l’action doit se concentrer avant tout sur les sociétés et multinationales qui profitent largement de cette activité.
Au final, faut-il reformer le droit d’auteur pour l’adapter au numérique ou doit-on réguler les usages et éduquer les utilisateurs ?
Les deux en fait ! D’une part il y a un véritable enjeu, c’est de faire comprendre aux gens que la création n’est pas gratuite, et que si on refuse de payer les artistes, musiciens et autres créateurs, bientôt on n’en aura plus. Mais il y a évidemment des questions légales qui sont posées, nous tentons de défendre le droit d’auteur par rapport au Copyright, son équivalent américain par exemple. Le droit d’auteur garantit à l’artiste la défense de ses droits moraux, un concept qui est absent de la loi du Copyright. L’idée c’est qu’on a le droit à voir son œuvre respectée moralement, certains artistes ne veulent pas être samplés et réutilisés sans leur autorisation.