Election majeure en France, la Présidentielle est devenue
une formidable bataille de communicants. Toutes les
techniques disponibles sont utilisées. Mais l'ère numérique
rebat (presque) toutes les cartes. Explications.
Le 6 mai 2012, à 20 heures,
les Français connaîtront leur
nouveau(-velle) Président(e)
de la République. Sur les
écrans de télévisions, d'ordinateurs
ou de smartphones,
l'image du ou de la nouvelle élu(e) oblitérera
toute autre actualité nationale, propulsée par
un élan médiatique d'une force aussi brutale
que rare. Pendant plusieurs jours, voire plusieurs
semaines, le nom de l'élu(e), ses paroles,
ses gestes résonneront sur tous les supports
imaginables. Des Unes de journaux aux commentaires
de blog, des conversations de cafés
aux analyses politiques, dans un phénomène
d'écho aussi mécanique que délirant, il sera
impossible d'échapper à l'onde portant l'annonce
de cette victoire politique.
Un long et patient
ouvrage
Quel que soit le parti vainqueur, cette déferlante
n'aura pourtant été à l'origine que le
faible sillon d'une volonté. Une ambition dont
la source, plus forte que d'autres, aura su
grossir patiemment, guidée par toute une assemblée
de conseillers, de stratèges.
Soutenue par le travail infatigable de militants,
elle aura attiré inexorablement d'autres
ruisseaux pour augmenter son débit.
D'innombrables spécialistes en communication
lui auront creusé un lit de plus en plus
large, de plus en plus profond, pour, qu'au
final, ses flots inondent les urnes. Les canaux
de diffusion des idées politiques se
sont multipliés depuis 1958 et l'adoption de
la constitution de la Ve république établissant
un régime de type présidentiel.
Historiquement, les partis s'appuyaient sur
une communication à base d'affiches placardées
plus ou moins légalement, de tracts
distribués, dan la rue, sur les marchés ou à
la sortie des usines et de meetings aux orateurs
parfois radiodiffusés.
Une télé très
envahissante
En 1965, la télévision fait son apparition
pour la première fois en France comme outil
au service des candidats, une idée – déjà à
l'époque – piquée aux campagnes présidentielles
américaines. Vecteur triomphant des
décennies suivantes, le média télévisuel va
profondément modifier le comportements
des politiques, désormais confrontés à l'obligation
de contrôler tout autant leur(s)
image(s) que le contenu de leur discours.
L'animal politique a ainsi évolué vers un nouveau modèle, passant du stade de prédicateur
juché sur sa tribune, tempêtant avec ses
concepts et ses dogmes face à une foule militante,
au rang de technocrate policé, invité
par le faisceau hertzien à venir exposer ses
idées au coeur du salon douillet des électeurs
potentiels.
En quarante ans, cet archétype s'est progressivement
affirmé comme un absolu pour
celui ou celle qui souhaitait briguer un quelconque
mandat électoral. Au fur et à mesure,
les autres supports perdaient de leurs
influences pour laisser une place de plus en
plus grande à la toute-puissance télévisuelle.
Ce mouvement de fond a également
affecté la structure des partis politiques et
leur mode de fonctionnement. Le nombre
des militants, le maillage des structures, la
réflexion ou la persévérance idéologique
sont devenus moins importants que la capacité
d'un petit nombre de dirigeants à maîtriser
l'image et la rhétorique induits par la
diffusion télé. Les débats entre candidats
s'appuient dès lors sur une scénographie
calculée au millimètre et circonscrivent la
géographie des batailles électorales aux
seuls dispositifs des grandes chaînes
généralistes.